Un peu d'histoire...
La Horaine* en 1943
*Nous parlons, dans cet article, de la "Horaine", première du nom, ancêtre (et sister ship)de la notre, qui servie entre 1938 et 1958 puis poursuivie sa carrière sous le nom de "Triagoz"
L'association
a reçu il y a quelques jours un message du petit fils de Jean LeMeur
dit P'tit Meur, gardien du phare de Triagoz et participant à
l'évasion de "la Horaine" en 1943.
Celui-ci tient de son grand père le récit du passage de la 1ère Horaine vers Dartmouth en Angleterre en novembre 1943. Ce passage permit l'évasion de résistants français et de pilotes américains.
Celui-ci tient de son grand père le récit du passage de la 1ère Horaine vers Dartmouth en Angleterre en novembre 1943. Ce passage permit l'évasion de résistants français et de pilotes américains.
Il
nous proposait de nous donner le récit écrit par son grand-père
pour publication.
Bien
sûr nous avons accepté et vous trouverez ce récit ci-dessous.
NB
: Il s'agit La
Horaine construite
en 1938. Elle était au service des phares et balises et
était utilisée pour le service principal des phares
des Roches-Douvres et du Grand Léjon. Elle a été
remplacée par l'actuelle "Horaine" en 1958.
L'ancienne
fut rebaptisée "La
Triagoz" et
a effectué les relèves des phares des Sept-Îles et
des Triagoz jusqu'en 1979.
La vedette La Horaine, la première du nom, celle qui servit à l'évasion de 1943, renommée La Triagoz, photographiée en 1977 à Lézardrieux par François Jouas-Poutrel, gardien du phare des Roches-Douvres pendant 21 ans
Le récit :
Juin
1940 fut un mois terrible pour la France et les Français. L’exode,
impossible à décrire, civils et militaires ne pouvant disposer de
moyens de locomotion encombraient les routes. Certains fuyaient
devants les Allemands, avec des voitures à bras ou des brouettes
pour emporter l’indispensable ; de temps en temps arrivait les
escadrilles de chasseurs mitraillant cette cohue, apportant encore
plus de panique, si possible.
Les
communiqués de la radio ; qui ne se rappelle ce slogan « Radio
Paris ment, radio Paris est allemand » ; ces nouvelles erronées
apportaient encore le trouble dans les esprits.
Mais
le 18 juin 1940, une voix se fit entendre à la B.B.C. de Londres ;
cette voix fit naître un peu d’espoir dans le cœur des Français,
elle effaçait la souillure de la poignée de mains de Montoire :
Hitler-Pétain. Mais la méfiance, hélas, était réunie aussi; car
l’on vit des personnes se mettre à la disposition de l’ennemi ;
certains même se firent mouchards pour toucher les 30 deniers ; ils
allèrent jusqu’à torturer leurs compatriotes. C’est sous ce
climat que naquit la résistance.
Des
tracts clandestins se trouvaient souvent sur le bord de la route, des
personnes même en trouvaient dans leurs paniers ouverts; des
quotidiens réguliers parvenaient à circuler.
Des
gens de toutes opinions s’activèrent en commun avec les
communistes, et Aragon a pu ainsi écrire ces vers : « Ceux qui
croyaient et ceux qui ne croyaient pas ».
Les fusillade du mont
Valérien et plus près celle de la carrière de sable de
Chateaubriand résonnèrent dans le cœur des Bretons.
Alors
en 1941, après divers tâtonnements le réseau Cohors-Asturie fut
créé, bon nombre de trécorrois en firent partie, et dès ce moment
les harcèlements commencèrent et s’amplifièrent jusqu’à la
victoire.
Le couvre-feu était déclaré à 22h, les Allemands
ne circulaient plus seuls, les collabos aussi n’étaient fiers
qu’accompagnés des Allemands. Dès qu’un résistant apprenait
qu’un tel était désigné pour le S.T.O. celui-ci était contacté
et nanti de fausses cartes d’identité et planqué, soit dans une
ferme où dans un chantier.
Des
groupes F.T.P.F. furent organisés et des maquis se formèrent.
En
1942 des parachutages d’armes et d’agents de propagande furent
effectués. Ces hommes parachutés et les aviateurs Alliés avaient
un besoin de retourner en Angleterre. C’est ainsi qu’un service
presque régulier fut créé à Carantec (Finistère) par M. Sibiril
constructeur de navire.
Marie-Thérèse
Le Calvez servit de pilote à Plouha, ici c’était les vedettes
rapides gaulistes qui venaient contacter les résistants et prendre
et laisser du personnel ; les marins de ces vedettes appelaient cela,
« Venir sentir des Crêpes ».
Mais
un jour Sibiril fut dénoncé ; mais avant d’être pris il put
partir en Angleterre avec sa fille au début de novembre 1943.
A
Lézardrieux, il y avait une belle et bonne vedette qui servait au
ravitaillement des phares, son départ fut décidé, ce qui en
privant les Allemands d’une unité aurait l’avantage d’envoyer
des documents aux Alliés.
18
personnes étaient aussi à prendre à Gouermel , dont 4 aviateurs
Américains parachutés dans la Somme, il y avait aussi 2 officiers
de marine Française. Les autres étaient des jeunes allant s’engager
au F.F.L.. Voici donc le départ décidé,il fallut former l’équipage
sans donner l’éveil à certains marins du bord dont on doutait de
l’acceptation; 4 hommes d’équipage; le patron, le mécanicien et
2 matelots; la consigne était de relever le gardien de phare
Français au phare des Roches-Douvres, il y avait donc aussi le
gardien montant; un quartier-maître Allemand était de garde à bord
et devait les accompagner. L’acceptation du gardien descendant
était sûr.
Pour
être assuré d’avoir suffisamment de carburant on profita encore
de la nuit de la matinée pour subtiliser 4 bidons de 50 l. de mazout
au magasin ; de plus, on suggéra à l’Allemand que l’on pourrait
profiter de la sortie en mer pour faire un peu de pêche, pour
améliorer l’ordinaire de la maison, il accepta et déroba 2 autres
fûts de mazout au magasin allemand ; les voilà partis, la mer était
belle et la première partie du programme marcha très bien. Un gros
lieu attrapé arrangea bien les choses, on proposa à l’Allemand de
le faire cuire au phare et de le manger à bord, accord parfait. Des
sourires narquois étaient sur les lèvres de l’équipage. Mais le
temps se gâta, une pluie fine vint, gênant la visibilité.
Au
phare, il y avait 3 marins allemand équipés de radio et pour
tromper ceux-ci il fallait que la vedette fasse cap sur Lézardrieux
jusqu’à être perdu de vue du phare. Ensuite, il fallait faire cap
à l’Ouest vers Gouermel.
C’est
à cette manœuvre que le coup se décida, les 2 marins français
assaillirent l’Allemand et le pont étant glissant par la pluie les
voilà parterre tout les 3 l’un sur l’autre, à ce moment un
autre arriva avec du chloroforme et en un clin d’œil voilà
l’allemand ensaucissonné.
Pendant
ce temps la nuit est venue. On distinguait vaguement les sinuosités
des collines et particulièrement une vieille tour qui était proche
du lieu de rendez-vous fixé à 19h. La vedette croisa de 18h30 à
19h45 sans pouvoir repérer les 2 feux que les hommes à prendre
devaient placer pour jalonner un couloir entre 2 îlots.
5
paires d’yeux scrutèrent en vain ; puis voyant l’heure tourner,
la décision fut prise. Cap au Nord, en avant toute ; la bosse du
canot en remorque fut coupée, une bouée de sauvetage et 2 bidons
vides le tout marqué au nom de « La Horaine » fut laissé sur
place.
Le
lendemain à la pointe du jour voilà la vedette sur la côte
Anglaise. A un moment donné ils aperçurent un sillage blanc,
c’était une vedette rapide Anglaise venant droit dessus,
lorsqu'elle fut proche ils virent les 4 tubes de canons braqués
dessus et les trous noirs de ses tubes restaient bien en ligne malgré
la houle.
Mais
au haut-parleur une voix en français sans accent procéda à
l’arraisonnement :
-«
Quel bateau ?»
-«
La Horaine »
-«
D’où venez-vous ?»
-«
Lézardrieux »
-«
Combien d’hommes ?»
-
« 5 hommes d’équipage plus un allemand prisonnier »
Et
alors cette réponse :
-«
Un boche alors »
-«
oui » répondirent-ils tous en chœur. A ce moment les pièces
braquées sur « La Horaine » reprirent leur place dans l’axe du
bateau et on vit les marins Anglais danser la gigue sur le pont.
-«
Avez-vous besoin de quelque chose ? »
-«
Non »
-«
Quelle vitesse ?»
-«
10 nœuds »
-«
Suivez-nous !»
-«
Nous avons mission pour Torquay »
-«
Ok, suivez-nous »
A
l’entrée du port de Darthmouth la vedette Anglaise fit accoster «
La Horaine » bord à bord ; 2 officiers et 2 marins Anglais armés
de mitraillette montèrent à bord de « La Horaine ». La prise
était faite ; mais l’accueil était très cordial. Après avoir
expliqué à l’officier Anglais interprète à quoi servait « La
Horaine » et qu’il y avait à bord du matériel allemand, il
demanda s’il y avait des pavillons à croix gammés, on lui en fit
voir deux, il en demanda un pour lui et demanda à mettre l’autre
en dessous du pavillon français en tête de mât. C’est ainsi que
« La Horaine » fit son entrée dans le port de Darthmouth. La
vedette passa à proximité d’un groupe de vedettes rapides battant
pavillon français ; ils furent interpellés par un second-maître
qui demanda en Breton comment ça allait à Lézardrieux.
Ces
vedettes étaient de celles qui venaient « sentir l’odeur des
crêpes ». L’Allemand n’a pas vu cela, les Anglais lui avaient
tout de suite bandés les yeux.
La
suite, déjeuner, menu bifteack monstre, frites, bière, cake,
cigare, une indigestion était à craindre, puis sieste, ensuite
interrogatoire, et le soir en route pour Londres dans un centre
d’épluchage, 15 jours d’internement, que les Anglais avaient
baptisé « Patrie-school ».
Et
l’affaire fut classée, les Allemands ayant trouvé les épaves de
« La Horaine » et conclut à un naufrage. Chaque homme alla de son
côté selon les embarquements. L’Allemand fut envoyé au Canada
(d’où il profita pour porter un peu de brouille dans les familles
de l’équipage en expédiant à sa mère un télégramme
conventionnel de la croix-rouge ; mais l’officier allemand de
Lézardrieux classa l’affaire comme ayant été capturé par les
Alliés.
Cette
vedette est en ce moment à Perros-Guirec et sers pour les phares des
7 îles et Triagoz ; une plaque de cuivre à bord porte les noms des
5 hommes de l’équipage.
LeMeur
Jean
Les fusillade du mont Valérien et plus près celle de la carrière de sable de Chateaubriand résonnèrent dans le cœur des Bretons.
Le couvre-feu était déclaré à 22h, les Allemands ne circulaient plus seuls, les collabos aussi n’étaient fiers qu’accompagnés des Allemands. Dès qu’un résistant apprenait qu’un tel était désigné pour le S.T.O. celui-ci était contacté et nanti de fausses cartes d’identité et planqué, soit dans une ferme où dans un chantier.